Capitaine Vertu

OGRE N°48 – Lucie Taïeb

Lucie Taïeb

Capitaine Vertu 

 

jeudi 25 août 2022

Taille : 140 mm / 185 mm – 140 p. – 17€

ISBN : 978-2-37756-139-1

Après plus de dix années de service acharné, Laure Vertu, capitaine de police exemplaire et enquêtrice hors pair, démissionne brutalement et sans aucune raison apparente, de son poste au sein de la brigade anti-fraude. 

 

Cette démission constitue le premier geste d'une série de refus, que la capitaine Vertu, sorte de Bartleby au féminin, choisit d'opposer au monde tel qu’il est, à ses violences, ses dénis, ses faux espoirs, ses injonctions. 

 

Dans ce roman, Lucie Taïeb met en scène avec beaucoup de justesse et de délicatesse un personnage qui, au carrefour de ses identités multiples –  femme, policière et fille d’immigré –, cherche, quoi qu’il en coûte, à échapper à l’aliénation.

 

Avec Capitaine Vertu, elle s’empare du genre de l’enquête, et dans une grande économie de moyen, déroule une quête haletante d’un destin, du rôle que nous pouvons jouer dans une société ou toute idée de justice semble avoir disparu.

 

Lucie Taïeb nous place devant cette question très actuelle : Comment supporter la violence du monde, et notre terrible impuissance, quand les seules options qui restent sont : enquêter, rêver, disparaître. Sa réponse est d’une grande justesse. Avec un soupçon d’ironie, elle mène son héroïne à sa perte, dans un élan à la fois tendre et cruel, drôle souvent.

 

 

LA PRESSE EN PARLE
 
« Lucie Taïeb, écrire la fiction », Diacritik, Jean-Philippe Cazier : 
La question de l'identité est une des lignes directrices à commencer par l’identité du livre lui-même, s’agit-il d’une enquête ? d’une quête ? d’un texte politique ? d’une série onirique ?
C'est cet espace de la fiction que déplie Lucie Taïeb : espace de l’écriture, espace d’une écriture sans fin, comme la quête est elle-même sans fin.
 
« Capitaine Vertu, polar décentré », En attendant Nadeau, Claire Paulian : Le roman se fait l’écho – de façon oblique, avec l’insistance décalée, la légèreté et les dissonances propres à l’écrit – de violences contemporaines.
 
« Capitaine Vertu de Lucie Taïeb : une enquête menée par l'héritière de Bartleby », ActuaLitté, Lolita Francoeur : Comme toujours chez Lucie Taïeb, le résultat est d’une grande justesse. Avec un soupçon d’ironie, l'autrice mène à sa perte l'héroïne, dans un élan à la fois tendre et cruel, drôle souvent.
 
« Persister quand tout contredit votre violence », AOC, Emmanuelle Lambert : L’épaisseur, y compris érotique, des corps fantasmés, tente de s’imposer face à la volonté blanche d’un personnage qui désire sa catastrophe.
 

 

 

Coups de cœur de libraires 

 

A la Librairie Elkar (Bayonne) : Lucie Taieb joue avec le genre de l'enquête pour poser son regard aiguisé et poétique sur les oppressions sociales, familiales, et politiques.
 
A la librairie Le monte en l'air (Paris) : Lucie Taïeb continue de creuser sa route en habile brouilleuse de pistes avec, toujours cette langue poétique, et en ligne de mire, la question de l'individu et du politique, et là avec Capitaine Vertu, elle excelle.
 
« Comment entrer en résistance sans jouer le jeu de la violence de notre société ? » à la librairie Le Vent Délire (Capbreton) : Lucie Taïeb met au centre du monde un personnage aux multiples facettes, vortex hypersensible du monde qui l'entoure

 

EXTRAIT

 

 

Dans les années 1860, Courbet consacra plusieurs

peintures à des scènes de chasse dont

le thème récurrent est la mort d’animaux

blessés. La plus célèbre d’entre elles montre

l’agonie d’un cerf gisant au sol, épuisé, tandis

qu’un chasseur le frappe avec son fouet,

entouré de chiens impatients de le démembrer.

Cette toile est une allégorie troublante et

extraordinairement intense de la défaite de

la révolution de 1848. Le même procédé

allégorique caractérise plusieurs tableaux qu’il

peignit après l’écrasement de la Commune.

 

Enzo Traverso, Mélancolie de gauche 

 

 

***

 

 

Vertu, n. com. f., du latin virtus : 

« qualité distincte de l’homme, mérite, valeur », 

« qualités morales », « vigueur morale, énergie », 

« bravoure, courage, vaillance ».

 

 

***

 

 

Rêve de Vertu 

 

 

Dans sa tête loge une armée. Il n’y paraît pas, cependant. Elle est allongée dans des draps d’un blanc frais, quarante ans et des poussières, ses cheveux châtain clair en bataille sur sa tempe, plongée dans le profond sommeil des rêves. Chaque nuit, la même lutte ; chaque matin, le même oubli. Dans son rêve, un soleil éclatant, pavés d’après la pluie, lavés, luisants. Elle est seule sur la grande avenue, aucun trafic, seulement l’Arc, en haut, et la Concorde en bas. On est, dans un rêve, partout, et tout est « soi ». 

 

Le sol tremble vaguement et les pavés se disjoignent, mais c’est ailleurs et elle ne peut pas savoir. Qui serait avec elle dans la chambre où elle repose verrait son visage s’assombrir. Il n’y a personne. Seulement les pavés qui se disjoignent et laissent deviner quelque chose de noir et de granuleux, du goudron, de la terre peut-être. Elle s’est agenouillée, elle regarde le sol de très près, un long moment, absorbée, faisant abstraction de tout le reste, un peu plus et elle collerait l’oreille contre les pavés pour savoir d’où vient le galop, quelque chose a tremblé, s’est ébranlé, elle a ressenti la secousse, l’image du rêve pourrait se briser comme une vitre, laisser s’engouffrer un grand souffle vide, mais au lieu de cela, lorsqu’elle relève la tête, ce qu’elle aperçoit, à l’horizon, ce sont des hommes. Principalement des hommes, mais aussi des femmes et quelques enfants.

 

Ils ont surgi des profondeurs de la terre, des tunnels et des souterrains, de tous les lieux de misère et d’ombre où ils avaient trouvé refuge. Ils émergent comme des travailleurs ressortent d’une mine, épuisés, meurtris, après un coup de grisou, ils ont le même visage noir de suie, mais nulle fatigue, nulle blessure. Le coup de grisou, le tremblement, c’est eux. En nombre venus des profondeurs de la terre, c’est là sa terreur, son désir. Ils n’ont pas avec eux de banderoles, aucun mot d’ordre, plus personne dans ce pays ne demande rien, ne refuse rien depuis longtemps. 

 

C’est elle qui donne l’alarme.