Aquerò
OGRE N°16 – Marie Cosnay
Une femme tombe dans une grotte. Entre visions et hallucinations, elle se rêve en moineau, et assiste, par-delà le temps, au basculement de la vie de Bernadette Soubirous. Elle voit, parfois aussi elle devient Bernadette, comme si tout enfant, toute fille en tout cas, pouvait l’être aussi.
L’expérience surnaturelle ou mystique est avant tout une expérience du corps. Qu’ont-elles vu, exactement ? Peu importe, elles ont vu, ou cru voir.
Entre sensibilité, gravité et humour, Marie Cosnay mêle ces deux destins de femmes, à deux époques différentes, et nous invite à repenser la possibilité de l’apparition. Sous prétexte de nous parler de Bernadette Soubirous, Marie Cosnay interroge l’instrumentalisation politique du corps féminin.
La question bien après que la petite a vu et parlé, à peine, s’est posée ainsi : elle a vu aquèra, accent sur le « e », c’est‐à‐dire celle‐ci, fille, fée ou déesse ou bien elle a vu la lumière à l’état de lumière : aquerò, l’accent sur la dernière syllabe, ceci, neutre ? Bernadette a vu celle‐ci, la fille, ou ceci, la chose ?
Que voyons‐nous ? Que pouvons‐ nous voir ? Notre regard peut‐il échapper à la contamination de ce qui nous domine ?
LA PRESSE EN PARLE
« Note de lecture : Aquerò (Marie Cosnay) », par Hugues Robert, Charybde 27 : Le Blog, 27 février 2017 : Dans une langue insensée de précisions et de pirouettes poétiques, Marie Cosnay invente ici le songe documentaire. Enquêtant, dans les circonvolutions des lumières et des voix, dans les entrelacs du passé et du présent, sur l’étrange nécessité qui cherche, ici et là-bas, à demander leurs papiers aux voyants, à assigner les corps pour maîtriser la politique de leurs visions – surtout si ces corps et ces yeux sont ceux de femmes, hier comme aujourd’hui, quoi qu’on en dise ici ou là –, elle développe mine de rien ce que l’on pourrait sans doute appeler une rêverie foucaldienne, dans laquelle la sensation même est politique.Lire plus
À LA RADIO
« Poésie et jouissance », par Manou Farine, Poésie et ainsi de suite, France Culture, 26 mai 2017 : Un roman disjoint, à plusieurs voix, plusieurs corps, plusieurs langues.
« Paludes 834 », par Nikola Delescluse, Blog.paludes.fr, 12 mai 2017 : Un texte très dense, très poétique dans sa langue (…) qui joue de ces différents registres pour interroger une histoire religieuse, celle de Bernadette Soubirous, qui appartient à notre image d'Épinal de l'apparition.[/read]
EXTRAIT
Tombée au fond de ma grotte, j’ai perdu les sens.
Sur les parois, de grands signes d’animaux, un bison blessé, une flèche lui traverse l’estomac, un petit bonhomme dessiné comme un bâton, le sexe du petit bonhomme comme un bâton, dressé. Tendu vers le bison, vers sa proie et chasse, etc.
J’ai un moment de vertige. Normal.
L’église, la capuche, le turban d’un Christ à mobylette, les branchettes et les os que ramassait la fille qui parlait patois, comme ma grand-mère et un peu ma mère malgré l’école et la République.
Les bêtes m’environnent ; il se passe quelque chose alors que c’est fini, que je n’attends plus aucun prodige : je rapetisse.
Je l’ai dit déjà, j’ai rapetissé dans la grotte.Lire plus