Trish dit : on dirait qu’elle réagit qu’à toi.
Casca ne sait pas quoi dire.
Peut-être que t’es une élue et que tu dois accomplir une mission, dit Trish. Elle l’imagine mener une armée de 1000 hommes et sauver le monde. Casca dit : non, je ne pense pas. Elle range la couronne dans le sac et la recouvre avec les liasses de billets, comme si elle voulait ensevelir un corps.
Tu fais quoi ? demande Trish.
Je ne veux plus en entendre parler, dit Casca. Elle range le sac dans l’armoire et ferme l’armoire. Elle dit : laisse-moi maintenant, s’il te plaît. Trish a un mouvement de recul, comme si elle était heurtée par l’attitude de Casca. Elle dit : OK, si tu veux.
Elle retourne dans le salon devant son ordinateur et tape couronne or brille magique dans Google. Elle trouve des sites pour des papiers peints. La légende d’un des papiers peints dit : photo mystérieuse et magique de la couronne du roi en or sur la pierre recouverte de mousse dans un paysage de champs éclairé de lumière. Mais la couronne sur l’image ne ressemble pas à celle de Casca.
Elle continue ses recherches.
Il y a beaucoup de sites de papiers peints.
Un autre site plus intéressant dit que tout trésor est source de lumière, et que tout ce qui brille fait rêver. Il explique que rêver d’or est la révélation d’un potentiel et d’une valeur cachée. Plus bas sur la même page il y a des dessins d’enfants : un poisson d’or, un arbre aux pommes d’or et une perle phosphorescente.
À la page 8 des résultats de recherche Trish trouve encore un autre site avec écrit : les couronnes sont des disques et des cercles concentriques de dimensions variables qu’on observe autour du Soleil ou de la Lune. Elle fait défiler la page mais ne comprend pas la moitié de ce qu’elle lit.
Elle ferme son ordinateur et va se coucher.
Pendant la nuit Casca entend une voix qui lui dit : tu es en danger.
Elle voit une citadelle qui flotte au-dessus d’un continent de glace, une lumière vive au fond d’une crevasse, plusieurs silhouettes qui marchent dans le blizzard.
Une femme avec des ailes d’ange et une armure de métal qui s’élève au-dessus du sol et ouvre les bras. Des milliers de traits de lumière projetés dans tous les sens.
Des lèvres qui bougent au ralenti et forment chacune des lettres du mot PARADIS.
Un adolescent qu’elle n’a jamais vu marche devant elle et se retourne. Il dit : suis-moi. Ses yeux s’ouvrent en grand et ses pupilles brûlent comme des flammes.
Casca, dit-il, rejoins-moi.
Il tend la main.
Une planète explose.
Casca se réveille en sursaut.
Elle voit Trish au pied de son lit en train de fouiller dans le sac de sport.
Elle dit : qu’est-ce que tu fais. Il faut que je comprenne, dit Trish. Elle jette les liasses de billets dans son dos. Arrête, dit Casca. Trish fait comme si elle ne l’entendait pas. Casca se lève et attrape un des bras de Trish. Elle dit : arrête je t’ai dit.
Trish regarde Casca droit dans les yeux.
Elle demande : c’est quoi cette couronne ?
Casca dit à Trish de s’assoir à côté d’elle sur le lit. Elle dit : je vais te raconter. Elle lui explique en détail tout ce qui lui est arrivée à L’Alambra, du moment où Copperfield est entré dans le club-house pour la première fois jusqu’à celui où Mista lui a donné le sac.
Elle parle de sa rencontre avec Copperfield. Elle pense à la façon qu’il avait de se cacher le visage quand il rigolait à ses blagues, ou au ton de sa voix quand il expliquait son enquête.
Elle se souvient du dernier sourire qu’elle lui a adressé.
Elle mime le moment où Mista est entré dans le club-house et a tiré sur tout le monde avec son fusil à pompe. Elle fait les mêmes gestes qui servent à recharger l’arme, mais sans l’arme.
Trish garde la bouche grande ouverte tellement elle est choquée par l’histoire.
Elle voit la scène comme celle dans Matrix quand Néo et Trinity entrent dans un hôtel et fusillent des dizaines de militaires et que les douilles de leurs fusils mitrailleurs tombent au ralenti sur le carrelage en marbre.
Elle imagine Casca à la place de Trinity, et Mista à la place de Néo.
Elle demande : et toi t’étais où ? Je m’étais cachée derrière le comptoir, dit Casca. Trish pose une main sur son menton. Elle demande : mais alors comment tu sais quels gestes il faisait pour tirer ? Je ne sais pas exactement, dit Casca, mais je suppose.
Ah ouais OK, dit Trish.
Elle est déçue.
Elle arrête d’imaginer Casca à la place de Trinity.
Pour finir Casca lui raconte comment Mista s’est approchée d’elle, l’a aidée à se relever, l’a escortée hors du club-house et lui a donné le sac.
Trish regarde le sac.
Elle dit : mais pourquoi il te l’a donné. Je n’en ai aucune idée, dit Casca. Peut-être qu’il a eu pitié de moi et qu’il voulait m’aider en me donnant de l’argent.
Trish dit : non mais je te parle pas de l’argent, je te parle de la couronne. Pourquoi il te l’a donnée ? Je n’en sais rien, dit Casca. Il ne savait peut-être pas qu’elle était dedans. C’est vraiment bizarre, dit Trish.
Il n’y a pas de conclusion satisfaisante à leur conversation.
Elles tournent toutes les deux la tête en même temps vers la porte d’entrée.
Quelqu’un vient de sonner.
15
UPAMECANO, LE GARDIEN
Leblanc gare la Mercedes dans une rue le long d’un trottoir. Elle éteint les phares et le moteur. Elle regarde sur le trottoir d’en face. Il y a un immeuble de quatre étages avec de la lumière dans deux fenêtres. Leblanc dit : c’est ici.
Nocturne se penche du même côté que Leblanc pour voir le haut de l’immeuble. Elle demande : c’est quoi le plan ?
Comment ça ? dit Leblanc.
Ben notre plan, dit Nocturne, pour récupérer le sac.
La formation de Nocturne passe aussi par des moments théoriques où Leblanc doit lui apprendre quand elles doivent prévoir un plan ou quand elles peuvent improviser.
Là en l’occurence il n’y a pas vraiment besoin de plan.
Leblanc dit : on sonne, on lui demande le sac, elle nous le donne, et on repart. Nocturne a l’air déçue. Elle demande : donc on se bat pas ? Non, dit Leblanc, on ne se bat pas.
Elle dit : il n’y a pas toujours besoin de se battre.
Elles sortent de la voiture et marchent vers l’immeuble.
Trish ouvre la porte d’entrée.
Elle fait face à un chevalier en armure qui mesure plus de deux mètres.
Il demande : vous êtes Casca ? Hein, dit Trish. Êtes-vous Casca ? demande le chevalier. Je m’appelle Upamecano, et je cherche celle qui se nomme Casca.
Upamecano est habillé d’une armure en métal poli avec une épée à la ceinture pour la panoplie complète. Son heaume en pointe a une fente au niveau des yeux et des dizaines de petits trous au niveau de la bouche.
Le seul truc pas d’origine c’est la paire de New Balance 992 qu’il a aux pieds, mais elles sont beaucoup plus pratiques pour courir.
Upamecano porte son armure comme des vêtements normaux.
Il dégage une profonde sympathie.
La voix d’Upamecano a l’air de venir de très loin.
Il dit : il faut faire vite. Si ce n’est pas vous, dites-moi où est celle qui se nomme Casca.
C’est moi, dit Casca. Elle se tient sur le seuil de sa chambre, toujours en pyjama. Trish se tourne vers elle et lui fait des gestes paniqués en mode : mais c’est qui ce type ?
Upamecano contourne Trish et marche vers Casca. Il ne fait aucun bruit quand il marche grâce aux semelles en caoutchouc de ses New Balance et à leur amorti de talon ABZORB. Il s’arrête devant Casca le temps de l’observer. Casca est impressionnée par la taille et l’aura du chevalier, mais en même temps elle a l’impression de le connaître depuis toujours.
Upamecano s’agenouille.
Casca, dit-il, je m’appelle Upamecano, et je suis l’ancien gardien de la couronne. Je suis là pour vous protéger et vous escorter vers le sanctuaire du roi.
Il se relève et va regarder par la porte-fenêtre du salon, qui donne sur la rue. Il voit la Mercedes Classe A de Nocturne et Leblanc qui se gare le long du trottoir. Il dit : nous avons peu de temps, suivez-moi.
Casca retourne aussitôt dans sa chambre, s’habille et commence à mettre ses affaires et des liasses de billets dans un sac à dos. Trish arrive en courant. Elle lui dit : mais tu vas quand même pas suivre ce. Elle cherche le bon mot. Elle dit : ce gars. Je croyais que tu voulais pas entendre parler de la couronne. Casca continue de remplir son sac en vitesse. Elle dit : je sens que je dois le suivre. Mais je ne peux pas t’expliquer pourquoi.
Et moi alors ? demande Trish.
Tu peux venir avec nous, dit Casca.
Casca rejoint Upamecano dans le salon. Il demande : vous avez la couronne ? Oui, dit Casca, elle est dans mon sac.
Trish fonce dans sa chambre et fait son propre sac à dos. Elle prend des trucs utiles comme des vêtements de rechange et sa trousse de toilette et des trucs moins utiles comme une figurine de Totoro et toutes les extensions de 7 Wonders.
Upamecano attend que Nocturne et Leblanc entrent dans l’immeuble. Il ouvre la porte-fenêtre et jette sa paire de New Balance par-dessus le garde-corps. Les deux baskets tombent en vrac sur le bitume de la rue.
Trish revient dans le salon et remarque que Upamecano n’a plus de pieds.
Upamecano dit : Armatura, Globus.
Toutes les pièces de son armure, ses grèves, ses genouillères, ses cuissots, son flancart, sa braconnière, ses gantelets, ses canons de bras et d’avant-bras, ses cubitières, ses spallières, son plastron, son épée et même son heaume se disloquent et se réagencent dans le vide pour former un escalier qui relie le balcon de l’appartement aux New Balance.
Là où était Upamecano, il n’y a plus rien.
Trish dit : il a disparu.
Non, dit le heaume de Upamecano, mon aura est inscrite dans chacune des pièces de mon armure. Maintenant, descendez.
Casca enjambe le garde-corps et commence à marcher sur les genouillères qui flottent. Elle descend en prenant appui sur chaque pièce jusqu’à arriver en bas. Il faut se dépêcher, dit Upamecano, elles vont bientôt sonner à votre porte. Casca lève la tête vers Trish, qui hésite à se lancer. Je peux pas, dit Trish au bord des larmes, j’ai trop le vertige. Casca dit : fais-moi confiance, tu ne risques rien.
Trish passe une première jambe par-dessus le garde-corps.
Elle pense à la mort.
Elle se cramponne à la barre métallique. Elle pose son pied gauche à tâtons sur une des genouillères. Elle est surprise parce que même si la genouillère flotte dans le vide elle est stable comme une vraie marche d’escalier.
Leblanc sonne à la porte.
Le bruit surprend Trish, qui allait poser son pied droit sur l’autre genouillère. Elle perd l’équilibre et tombe à la renverse. Upamecano est obligé de se réagencer en urgence pour amortir sa chute à mi-hauteur. Il y a un bruit de tôle froissée qui réveille les voisins. Des lumières s’allument dans les appartements.
Plus vite, dit Upamecano.
Leblanc sonne une seconde fois.
Trish se relève et finit de descendre les pseudo-marches sans réfléchir. Casca la prend dans ses bras. Upamecano retrouve sa forme habituelle, et toutes les trois s’en vont en courant.
Nocturne demande : tu veux que je défonce la porte ?
Attendons encore un peu, dit Leblanc, elle dort peut-être.
Leblanc sonne une troisième fois.
Le voisin de palier ouvre sa porte.
Il demande : vous avez fini de sonner comme ça ? On peut pas dormir. Leblanc dit : je suis désolée monsieur, c’est une affaire de police. Elle sort de la poche de son pantalon une fausse carte, qu’elle lui montre. Le voisin lit Inspectrice Leblanc, police de Miami. Elle dit : pour votre sécurité, je vais vous demander de bien vouloir rentrer chez vous, et de verrouiller votre porte.
Le voisin obéit mais continue de les regarder à travers l’œilleton.
Il les voit en train d’attendre.
Leblanc donne un ordre à Nocturne, qui recule pour défoncer la poignée d’un seul coup de pied.
Elles entrent dans l’appartement, et le voisin ne les voit plus.
Nocturne remarque la porte-fenêtre encore ouverte dans le salon. Elle regarde dans la rue en se penchant par-dessus le garde-corps. Elle dit : elle s’est enfuie. Elle savait qu’on venait ? On dirait, dit Leblanc. Elle fouille la chambre de Casca et trouve le sac que Mista lui a donné à L’Alambra.
La couronne n’est plus dedans.
On la poursuit ? demande Nocturne.
Leblanc réfléchit.
Elle dit : c’est inutile. On ne sait pas dans quelle direction elle est partie. Elle entre dans la chambre de Trish mais ne sent rien qui l’intéresse. Elle revient dans le salon. Nocturne est assise sur le canapé. Elle demande : tu penses que c’est Vega ? Non, dit Leblanc, il l’aurait tuée.
Depuis qu’elles sont entrées dans l’appartement, il y a un truc qui dérange Leblanc. Elle demande à Nocturne : tu ne sens pas une aura étrange ? Nocturne allume la télé et fait semblant d’essayer de ressentir quelque chose.
Elle dit : non, je sens rien.
Elle regarde une chaîne qui diffuse des clips en boucle. Les clips sont classés par ordre décroissant selon les ventes du mois en cours.
Leblanc s’accoude sur le garde-corps et sent l’air frais de la nuit au bord de l’océan. Elle entend la musique dans son dos. La chanteuse dit qu’elle chante pour celui qu’elle aime et qui l’attend à la maison. Leblanc regarde les voitures passer dans la rue et les lumières dans la nuit. Elle se sent bien près de cette aura inconnue.
Elle regarde la photo d’identité de Casca.
Elle dit : j’ai hâte de te rencontrer.
Casca, Trish et Upamecano courent toujours dans les rues de Portobello.
C’était qui ? demande Trish. Des personnes qui veulent aussi la couronne, dit Upamecano. Vous avez un véhicule ? Non, dit Trish, on est trop pauvres pour avoir une voiture. Elle demande à Upamecano s’il ne peut pas se transformer en moto ou en hélicoptère. Il dit : je suis désolé mais mon armure n’a pas de roues ni d’hélices.
J’ai peut-être une solution, dit Casca.
Elle les mène vers une ruelle en impasse qui se trouve près du port de pêche. Il y a des bennes à ordures, des murs de briques, des affiches pour un concert de Coltrane 3000, les sorties de secours de deux restaurants et une grande bâche tout au fond qui a l’air de recouvrir un tas de matériaux de bricolage.
Casca ouvre la poche avant de son sac à dos et sort un trousseau de clés.
Les clés d’une Lamborghini Aventador.
Elle s’approche de la grande bâche et commence à l’enlever en la roulant sur elle-même. Trish voit la voiture qui se révèle petit à petit. Elle pense : c’est pas possible. Quand il n’y a plus de bâche elle voit la voiture en entier. Elle dit : depuis quand t’as une Lamborghini.
C’est la voiture avec laquelle j’ai fui L’Alambra, dit Casca.
C’est parfait, dit Upamecano.
Casca dit : par contre il n’y a que deux places.
Ce n’est pas grave, dit Upamecano, vous pouvez me ranger dans le coffre. Casca l’ouvre et commence à ranger les différentes pièces de l’armure. Tout passe pile poil. Elle dit : c’est peut-être plus pratique si on garde votre heaume avec nous. Bonne idée, dit Upamecano.
Casca et Trish s’installent dans la Lamborghini. Trish tient le heaume d’Upamecano sur ses genoux. Elle demande : tu sais la conduire ? Casca dit : je me débrouille.
Elle soulève un petit capot rouge sur le tableau de bord central et appuie sur le bouton Start. Après elle appuie sur la flèche juste au-dessus pour passer en mode Sport. Elle presse un peu la pédale d’accélérateur. La voiture fait un bruit de dingue.
C’est bon, dit Casca, je suis prête.
Elle demande : où est-ce qu’on va ?
16
JILL VALENTINE ♡ SNICKERS
Casca doit s’arrêter à une station-service pour faire le plein.
Une Lamborghini Aventador consomme en moyenne 18 litres au 100. C’est cool pour faire un tour de temps en temps mais au quotidien c’est tout de suite un gros trou dans le budget. Pour une première voiture il vaut mieux privilégier des modèles plus sobres comme la Seat Ibiza ou la Toyota Aygo.
Trish dort sur le siège passager, son visage contre la ceinture et la bouche ouverte. Elle a bavé sur son tee-shirt et il y a une petite trace de salive au niveau de sa poitrine.
Elle tient le heaume d’Upamecano dans le creux de son bras gauche, comme une peluche.
Casca sort de la voiture et s’approche de la borne de paiement. Elle choisit son carburant et met le canon du pistolet dans le réservoir. Les chiffres de l’argent et des litres montent en même temps sur l’écran de la borne mais pas à la même vitesse.
Les chiffres de l’argent montent toujours deux fois plus vite.
Casca regarde autour d’elle.
Il n’y a aucune autre voiture aux pompes, mais trois sont garées sur le petit parking devant la boutique. Casca peut voir à travers les baies-vitrées les clients se déplacer entre les rayons pour acheter des chips, des canettes et des plats préparés en barquette.
Il y a trois hommes et une femme.
La gachette du pistolet à carburant se bloque. Casca lit 115,43 $ sur l’écran de la pompe. Elle sort le pistolet du réservoir et l’enclenche dans la borne. Elle revient dans la voiture et prend son sac à dos. Elle dit : je vais payer, j’arrive.
C’est compris, dit Upamecano.
Casca passe les deux portes automatiques.
Une serveuse est en train de préparer l’assortiment de viennoiseries pour le matin. Elle range les pains au chocolat ensemble à côté des croissants aux amandes qui sont à côté des éclairs au café qui sont à côté des cookies qui sont à côté d’une sorte de gâteau que Casca n’a jamais mangé et qui a la forme d’un 8.
Casca voit un des hommes s’en aller vers les toilettes. Un autre paie. Le dernier ouvre une par une les différentes armoires réfrigérées pour choisir la canette qui lui plaît le plus. Il hésite entre une Red Bull Edition Tropical et une Monster Energy Absolutely Zero.
Casca ne voit plus la femme, mais sa voiture est toujours garée sur le parking.
Elle arrive derrière l’homme en train de payer. Elle le voit donner un billet et des pièces en échange d’un paquet de cigarettes, de deux sachets de bonbons, d’un magazine porno et d’une pochette surprise pour enfants. Le vendeur lui rend la monnaie avec son ticket de caisse, et l’homme s’en va.
Le vendeur demande : la borne 3 ?
Oui, dit Casca.
Il dit : 115,43 $. Casca lui tend plusieurs billets auxquels le vendeur rend plusieurs pièces. Vous voulez un reçu ? demande le vendeur. Ça ira merci, dit Casca, bonne nuit.
L’homme qui était aux toilettes vient d’en sortir et croise Casca près d’un tourniquet à chips. Il passe les portes automatiques, démarre sa voiture et quitte le parking.
L’homme qui était en train de choisir sa canette est toujours debout devant les armoires réfrigérées. Casca remarque qu’il bloque la porte des Ice Tea Daiquiri Fraise qui lui font envie.
Casca dit : pardon, mais l’homme ne bouge pas.
Monsieur, dit-elle, vous bloquez l’armoire.
Elle touche son épaule et sent qu’une immense vague de froid engourdit sa main.
L’homme tourne son visage vers Casca.
Il est recouvert d’une couche de givre très épaisse, comme s’il était plaqué sous la banquise. Ses yeux sont injectés de sang et ses trous de nez soudés par le gel.
Il dit : aidez-moi.
Le visage de l’homme se fend dans tous les sens et les morceaux tombent à ses pieds. Sa main droite reste accrochée à la poignée de l’armoire réfrigérée, la chair de son bras se déchire et son buste rejoint les débris du visage avant de se casser en autant de morceaux.
Les restes de l’homme sont éclatés sur le sol comme des centaines d’icebergs à la dérive.
Dans le dos de Casca, une voix dit : Iceage, Quatenaire.
Il y a de la buée devant la bouche de Casca. Elle ne sent plus sa peau.
Elle tourne la tête au ralenti.
Toute la boutique est prise dans la glace. Des stalactites tombent du faux-plafond. Le vendeur et la serveuse ont subi le même sort que l’homme à côté d’elle.
La femme que Casca avait aperçue tout à l’heure se tient debout au milieu de la pièce.
Elle a les cheveux mi-longs coiffés avec un gel effet mouillé et porte une chemise jaune ouverte en haut sur un débardeur blanc. Les manches sont retroussées sur les avant-bras. Son pantalon en toile tombe sur une paire de Dr. Martens 1461 en cuir noir.
Elle ouvre le papier d’une barre de Snickers et en mange une première bouchée. Elle dit : j’adore les Snickers. J’aime bien les Twix aussi, mais les Snickers, c’est vraiment le top.
Elle ferme les yeux.
Mmh, dit-elle, cette union parfaite du caramel et des cacahuètes, sous une fine couche de chocolat au lait. C’est vraiment le goût ultime. Elle finit le Snickers en deux bouchées et lèche le caramel qui reste collé sur ses doigts.
Elle s’approche de Casca, qui ne peut plus bouger.
Elle sort un autre Snickers de sa poche et l’enlève du papier. Elle le pointe vers sa poitrine et dit : je m’appelle Jill Valentine, et Bryan m’a confié une mission. Elle pointe son Snickers vers Casca et dit : te voler la couronne.