Monde ouvert
SIRÈNES N°7 – Adrien Girault
Monde ouvert
25 avril 2025
Taille : 110 mm / 165 mm – 144. – 11 €
ISBN : 978-2-37756-230-5
Imaginez tout abandonner pour embrasser une cause qui va changer le monde, du moins à vos yeux. Puis imaginez qu’un jour, cette cause vous abandonne.
Dale et Sven, deux mercenaires, veillent sur un otage pour le compte de la « cause », dans un entrepôt situé au milieu de nulle part. Ils patientent sagement, en attendant les ordres. Mais rien. La cause a disparu, le monde a semble-t-il basculé dans autre chose, les livrant à eux-mêmes et ne leur laissant aucune autre issue que la fuite.
Avec Monde ouvert, Adrien Girault signe un conte sur la perte profonde de sens qui nous envahit quand le rôle que nous jouons n’existe tout simplement plus. Un roman à la fois émouvant, sensible et tragique.
Adrien Girault est né en 1990. Depuis son premier roman, Rabot, il explore les genres littéraires comme la possibilité de la fuite et dresse le portrait d’une masculinité fragile, qui dépasse le rôle viril et impavide qu’on lui attribue dans ce genre d’histoire.
PRESSE
« La narration roule à bon droit des mécaniques, lancée comme un train fou à travers les paysages enneigés d’un monde déboussolé. » Le Monde
« Monde ouvert tient autant de la dystopie hallucinée que du conte absurde. » Libération
« Adrien Girault est au plus près des corps, des vêtements, de la consistance des aliments, des odeurs, des épines et des chiens, des bruits de moteur et du claquement des armes. C’est le mode d’être de Sven et Dale qui se transforme. Le calme professionnel de Sven, traversé de remontées délirantes des combats passés, la volonté de bien faire de Dale, se muent en une pulsion irraisonnée. Rien de rationnel ne les pousse à fuir, et leur fuite même en fait des êtres traqués. On les accompagne dans leur fuite, à la recherche d’une voiture qui roule, de nourriture, de chaleur. Dans l’hiver qui paralyse tout, ils entreprennent de gravir la montagne qui domine les terres gelées où ils errent. »
Alain Nicolas, L’Humanité
« Monde ouvert, Adrien Girault », par Michel Elis, L’Espadon, 13 octobre 2020 : Un récit de l’attente qui est une sorte de conte sans suspense, mais toujours en suspension. De ce sens qui fuit comme les personnages errent dans ces mondes de texture et de silence, cernés par des villes fantômes et des décors un peu tangibles, dont l’existence est confirmée par les cartes.
« Monde ouvert Adrien Girault », La viduité, septembre 2020 : La littérature c’est peut-être un individu, planqué dans sa paranoïa, qui pense pouvoir affronter une fin du monde qu’il a peut-être inventée de toutes pièces. Ou pas.
« Adrien Girault – Monde ouvert », par Adrien, Un dernier livre avant la fin du monde, 6 octobre 2020 : Pour son deuxième roman, Adrien Girault nous propose son Monde ouvert, un peu comme un open world dans un jeu vidéo. Ce roman ludique paru aux Editions de l’Ogre est aussi un objet littéraire fascinant.
Coup de coeur libraires
Librairie Charybde (Paris) : « Mystérieux, poétique et décapant »
Librairie Chez Simone (Bayonne) : « Suivez l’aventure de deux mercenaires qui abandonnent la cause pour laquelle ils se battent depuis des années. Après un premier roman EXCEPTIONNEL ! Adrien Girault nous laisse explorer le monde ouvert de deux loosers magnifiques ! »
La route était mauvaise, tournoyait et, surtout, était couverte d’une fine couche de gravier. Le moteur de la Xantia surchauffait, et parfois même rugissait, indiquant sans doute un passage de rapport mal maîtrisé. La voiture atteignait péniblement les cinquante à l’heure. L’air était froid et cassant. Des restes de givre embuaient les côtés du pare‑brise. Le ciel était d’un gris presque laiteux, tirant sur le blanc. Au volant, Dale gesticulait, ses bras moulinaient dangereusement lorsqu’il négociait les virages en épingle, et, parfois, il empoignait brutalement le levier de vitesse, par exemple quand il fallait rétrograder, en côte, pour récupérer de la puissance. La nuit n’allait pas tarder à tomber. Pourtant c’était encore le milieu de l’après‑midi. Les phares étaient déjà allumés et éclairaient les fossés profonds, les ravins, et le museau hargneux des chiens qui jappaient. Les demeures étaient sombres et intimidantes, et les bêtes avaient l’air particulièrement agressives. Il y avait parfois une loupiote vacillante à la porte d’entrée, mais la grille des portails était systématiquement fermée.
Dale roulait depuis six heures. Un seul arrêt, pour pisser en vitesse, dans la boue, et il était revenu sur son siège avec des chaussures à talons. De la terre s’était éparpillée sur le tapis. Dale se foutait complètement de la propreté, voire, il trouvait ça louche. Avant de repartir, il mit ses mains en bénitier, les porta à sa bouche et souffla, et puis les frotta avec énergie contre sa cuisse pour fluidifier le sang. Dale avait roulé presque d’une traite, mais regrettait de ne pouvoir s’arrêter dans un drugstore ou une station, quelque chose qui aurait égayé l’imagination. Au lieu de ça, il terminait laborieusement le parcours, une crampe lui tirant la jambe en remontant jusqu’aux fesses.
« Ah, la cambrousse, quand même », se disait‑il, plutôt négativement du fait de ces routes périlleuses. Il voyait bien que les paysages avaient un truc, sûrement pas de la beauté, mais quelque chose tenant du caractère et de la franchise. Il y avait des cabanes en pierre avec des trous noirs en guise de fenêtres, des silos à grains, des sentiers qui s’enfonçaient, de grands panneaux à l’effigie de magasins de bricolage dont les inscriptions s’effritaient. La radio captait mal.
Dale l’éteignit car les nasillements lui tapaient sur le système. La route s’allongea enfin et Dale sortit de son pantalon un bonbon à la menthe fraîche qu’il suçota. Ce qui était bien avec son pantalon, c’était le nombre de poches. C’était un pantalon de baroudeur. Il pouvait ainsi avoir à portée de main son couteau et toutes sortes de gadgets, du fil, une boussole, un carnet. C’était un pantalon qu’on achetait dans les surplus ou dans les magasins d’occasion. Il avait emporté un sac laid et pratique qui traînait sur la banquette arrière.
Dale s’orientait avec une carte fripée qu’il avait étalée sur le tableau de bord et coincée avec une pierre afin de la consulter en roulant. Avant de partir, il avait surligné le trajet d’un grand trait jaune qui s’était délayé au contact de l’encre imprimée. Il avait noté l’adresse sur un Post-it qu’il gardait dans la poche arrière de son pantalon. Il avait pour consigne de faire disparaître la carte dès son arrivée. Il avait quitté l’autoroute avec dans un coin de sa tête l’idée que c’était la dernière fois qu’il l’empruntait, et cela l’avait empli d’une joie simple, gratuite et illusoire.
L’obscurité était sur le point d’engloutir le décor. Les jambes engourdies, les épaules lourdes, maintenant que l’entrepôt approchait Dale restait pied au plancher. Les phares de la Xantia étaient d’un autre âge. Jaunes. Un jaune d’œuf dur, un jaune pétant.
Il débarrasserait son coffre plus tard. Il ne savait pas si l’entrepôt était grand. Son barda pouvait bien rester sous la couverture. Dale n’avait prévenu personne de son départ. Il verrait bien. Il se persuadait qu’il venait ici pour les autres, pour plus grand que lui, pour la cause.