Quelques rides
OGRE N°2 – Fabien Clouette
Quelques rides
mardi 06 janvier 2015
Taille : 14/18,5 mm – 144p. – 16€
ISBN : 979-10-93606-01-9
Un petit village en bord de mer, agrégé autour de l’hôtel de la famille de Capvrai. Les parents vieillissant, c’est le fils qui reprend la charge de l’établissement. Enfin pas directement, puisque ce dernier est convaincu que c’est son frère, le Chef, mort prématurément dans son enfance, qui assume cette responsabilité. C’est que Capvrai a deux personnalités : celle de son frère décédé et la sienne, perdue dans les brumes de l’enfance. Porté par l’ambition d’une famille de notables, le village change et s’ouvre progressivement au tourisme. La construction d’un deuxième hôtel met en péril le fragile équilibre de sa vie, et le pousse, par trois fois, à tuer. Un procès s’ensuit, accompagné d’une expertise psychiatrique. Cashon, un assistant médical plus intéressé par les ragots du village que par sa fonction, est chargé d’établir les résultats de l’expertise et de son enquête. C’est ce texte éclaté et taché de beurre de sandwich qui est donné à lire ici.
Dans une langue neuve, qui doit beaucoup au pouvoir d’évocation du cinéma, Fabien Clouette emmène le lecteur dans les méandres de la psyché de ses personnages, entre les réflexions hallucinatoires de Capvrai et les commérages de Cashon. Mais le réel, que le lecteur croit découvrir en reconstruisant l’histoire tapie sous le témoignage de Capvrai, semble sans cesse se dérober. Les habitants de ce village directement sorti de Twin Peaks s’agitent ainsi sous nos yeux, comme autant de marionnettes dont les mobiles demeurent incompréhensibles. À la manière d’un polar – mais d’un polar qui serait essentiellement roman noir, tragédie, huis clos à ciel ouvert – ce qui est donné à voir dans ce roman, ce sont seulement les quelques rides qui affleurent à la surface.
LA PRESSE EN PARLE
« Six premiers romans à découvrir », par Baptiste Liger, L'Express, 22 février 2015 : Il y aurait bien des péripéties délirantes et des personnages secondaires saugrenus à décrire, pour donner une idée exhaustive de l'enthousiasmant premier roman de Fabien Clouette. Portée par une langue à la fois simple et décalée, cette curiosité littéraire d'une grosse centaine de pages pourrait être lue comme une sorte de Shining revu et corrigé par les Monty Python et Eric Chevillard.
« Une littérature de l'empêchement », par Hugo Pradelle, La Nouvelle Quinzaine littéraire, 16 février 2015 : Quel inconfort, mais aussi quel délice ! C’est un peu comme si Clouette transformait un plan en volume, faisant du récit quelque chose, non qui se suit, mais qui se traverse. L’écrivain envisage la fiction comme une perturbation perpétuelle de sa lecture : si l’on accepte ce bouleversement, l’expérience est formidable !Lire plus
LES LIBRAIRES AUSSI
« Port de pêche anodin ou nid de serpents de tous les dangers ? Faux thriller et intense réussite narrative », par Hugues Robert, Charybde 2 : Le blog, 24 novembre 2014 : Il faudra sans doute souvent revenir et peser chaque mot du petit texte apparemment anodin, quoique déjà déstabilisant si l’on y songe, placé en introduction de l’ensemble, comme pour détruire par avance toute tentation de suspense ou de thriller : c’est la seule clé que nous fournira directement l’auteur pour inventer un chemin dans la folie qui menace d’emporter le village, où tout tout se passe sous nos yeux – sans rien dans les manches ou les poches – mais nous déroute néanmoins en permanence, de sa brutale et fantasque poésie, effleurant l’absurde et le fantastique sans jamais y plonger. En un seul paragraphe liminaire, bien dense il est vrai, Fabien Clouette donne le ton, puis vous dévoile chaque carte du paquet, vous les montre une par une ; et pourtant, à l’issue de ce tour de prestidigitation de cent trente pages, vous resterez songeuse ou songeur, vous demandant ce qui a bien pu se passer, entre franche hilarité, inquiétude sournoise et perplexité subjuguée. Tout cela est-il vraiment arrivé ? Et vraiment comme c’est raconté ?
EXTRAIT
Qu’on lui objecte que peinture sur merde égale propreté ; qu’il aille repeindre tout ça, la cible. On n’y voit plus les grands ronds dessinés à la craie, les marqueurs. Mais ce qui compte, c’est le bruit des impacts. Il se tient debout entre les deux coques à sec, grattant son mollet droit avec le bec du fusil vidé. On ne compte plus les points, puisque le but est d’effrayer les pies, pas de gagner au chamboule-tout. Elles reviendront, elles seraient capables de manger les moineaux, de colère, si on ramassait les fruits avant qu’ils ne soient mûrs. Lire plus